
Impôts sur les cryptos : la fin du rêve décentralisé ?
Le paradoxe qui secoue la crypto
La promesse originelle de Bitcoin était claire : créer une monnaie décentralisée, libre du contrôle des États et des banques. Seize ans plus tard, la réalité est bien différente. Alors que la technologie reste décentralisée, son usage et sa régulation sont de plus en plus centralisés. Le dernier exemple en date ? L'offensive fiscale des États, qui cherchent à taxer les cryptomonnaies sous toutes leurs formes.
En France, le projet de loi visant à créer un "impôt sur la fortune improductive" incluant les cryptos a fait l'effet d'une bombe. Cette mesure, si elle est adoptée, taxerait la simple détention de cryptomonnaies, même sans aucune vente. C'est la fin annoncée de l'anonymat et de l'indépendance fiscale pour les détenteurs de cryptos.
Ce paradoxe soulève une question fondamentale : la décentralisation est-elle encore possible face à la puissance des États ? Et surtout, comment concilier l'idéal cypherpunk avec la réalité fiscale ?
Chez Crypto P2P Club, nous pensons que la vraie décentralisation n'est pas l'absence de règles, mais la transparence et la justice dans leur application. Analysons ensemble ce paradoxe et proposons une voie éthique pour l'avenir.
1. L'offensive fiscale : comment les États reprennent le contrôle
L'impôt sur la fortune improductive en France
La mesure la plus emblématique de cette nouvelle vague fiscale est la transformation de l'IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière) en impôt sur la fortune improductive. Voici ce qu'il faut savoir :
| Caractéristique | Détails |
|---|---|
| Actifs concernés | Biens immobiliers, yachts, voitures de luxe, œuvres d'art, et cryptomonnaies |
| Seuil | 1,3 million d'euros de patrimoine net |
| Taux | 1% par an |
| Impact | Taxation de la détention de cryptos, même sans vente |
Cette mesure, si elle est adoptée, marquerait un tournant majeur. Jusqu'à présent, les cryptos n'étaient taxées qu'à la cession (vente), à hauteur de 30% (flat tax). Demain, un détenteur de 2 millions d'euros en Bitcoin pourrait devoir payer 20 000€ d'impôts par an, même sans réaliser aucune plus-value.
Cette proposition a suscité de vives réactions, notamment celle d'Eric Larchevêque, co-fondateur de Ledger, qui y voit une "erreur idéologique majeure" visant à "punir la détention de valeur en dehors du système monétaire fiat" [1].
La tendance internationale : vers une transparence totale
La France n'est pas un cas isolé. Au niveau international, la tendance est à une transparence fiscale totale :
- KYC obligatoire : 95% des exchanges centralisés exigent une vérification d'identité.
- Reporting automatique : les exchanges communiquent automatiquement les données de leurs clients aux autorités fiscales.
- CARF (Crypto-Asset Reporting Framework) : dès 2027, les pays échangeront automatiquement les informations fiscales sur les crypto-actifs [2].
Une étude récente de l'Université de l'Illinois a montré que cette transparence fiscale a un impact direct sur la conformité et les prix des cryptos [3]. En d'autres termes, l'anonymat fiscal est en voie de disparition.

2. Le paradoxe de la décentralisation : pourquoi la promesse s'est envolée
La re-centralisation par l'usage
Le principal problème vient du fait que, bien que la technologie soit décentralisée, son usage est massivement centralisé :
- 80% des cryptos sont détenues sur des exchanges centralisés (Binance, Coinbase, etc.).
- La majorité des utilisateurs préfèrent la facilité d'usage à la souveraineté du self-custody.
- Les exchanges sont les points de contact entre le monde fiat et le monde crypto, et donc les points de contrôle des États.
La souveraineté individuelle : un idéal théorique
La promesse "be your own bank" est devenue un idéal théorique pour la plupart des utilisateurs. En pratique, ils dépendent d'intermédiaires centralisés qui sont soumis aux lois des États. La résistance à la censure et la souveraineté individuelle ne sont réelles que pour la minorité qui utilise des portefeuilles non-custodial et des DEX (exchanges décentralisés).
3. Vision Crypto P2P Club : vers une fiscalité éthique et transparente
La taxation est-elle légitime ?
Chez Crypto P2P Club, nous ne sommes pas contre la taxation par principe. Les détenteurs de cryptos bénéficient des infrastructures publiques et il est juste qu'ils contribuent à leur financement. Cependant, la taxation doit être juste, transparente et cohérente.
Les problèmes de la fiscalité actuelle :
- Double taxation : risque de payer des impôts sur la détention ET sur la cession.
- Volatilité : comment taxer un actif qui peut perdre 50% de sa valeur en un mois ?
- Liquidité : comment payer l'impôt sur la détention sans vendre ?
- Incohérence : taxer la détention tout en voulant créer une réserve stratégique de Bitcoin est contradictoire.

Notre proposition : "Code as Transparency" fiscal
Plutôt que de subir une fiscalité opaque et punitive, nous proposons de promouvoir une fiscalité éthique et transparente pour les cryptos. Voici les principes clés :
- Transparence totale : des règles fiscales claires, stables et compréhensibles par tous.
- Prévisibilité : pas de changements de règles rétroactifs.
- Cohérence : une approche harmonisée qui ne pénalise pas la détention.
- Équité : prise en compte de la volatilité et de la liquidité des actifs.
- Automatisation : un reporting fiscal simple et automatisé pour faciliter la conformité.
Conclusion : deux voies pour l'avenir
Face à cette offensive fiscale, deux voies se dessinent pour les détenteurs de cryptos :
Voie 1 : Accepter la re-centralisation
- Les cryptos deviennent un actif financier comme un autre, régulé et taxé.
- Perte de l'idéal cypherpunk, mais gain en légitimité et adoption mainstream.
Voie 2 : Résister via la décentralisation réelle
- Utilisation exclusive de DEX, self-custody et solutions de privacy.
- Maintien de l'idéal cypherpunk, mais risque de marginalisation.
Chez Crypto P2P Club, nous proposons une troisième voie : une décentralisation éthique et transparente. Nous devons accepter la régulation, mais exiger qu'elle soit juste, transparente et cohérente. Nous devons promouvoir l'éducation fiscale et défendre les droits des contribuables crypto, tout en encourageant le self-custody comme un principe de base.
La vraie décentralisation n'est pas l'anarchie, mais la capacité de chaque individu à faire des choix éclairés dans un cadre juste et transparent. C'est ce combat que nous devons mener.
Références
[1] BFM TV. (2025, 3 novembre). "Une erreur idéologique majeure": l'impôt sur la fortune improductive est aussi une mauvaise nouvelle pour les gros détenteurs de cryptomonnaies en France. https://www.bfmtv.com/crypto/une-erreur-ideologique-majeure-l-impot-sur-la-fortune-improductive-est-aussi-une-mauvaise-nouvelle-pour-les-gros-detenteurs-de-cryptomonnaies-en-france_AV-202511030525.html
[2] OECD. (2025). Jurisdictions committed to implement the Crypto-Asset Reporting Framework (CARF). https://www.oecd.org/content/dam/oecd/en/networks/global-forum-tax-transparency/commitments-carf.pdf
[3] Gies College of Business. (2025, 13 octobre). How tax regulation, transparency are reshaping cryptocurrency. https://giesbusiness.illinois.edu/news/2025/10/13/how-tax-regulation--transparency-are-reshaping-cryptocurrency