Bitcoin à 100 000 $: entre exubérance du marché et prudence éthique

Le bitcoin a de nouveau défrayé la chronique en ce début de mois de novembre 2025, en franchissant le seuil psychologique hautement symbolique des 100 000 dollars. Ce retour au sommet, après une année de fluctuations intenses, ravive l’enthousiasme des uns et les craintes des autres. Pour l’investisseur musulman, cette nouvelle phase de turbulence soulève des questions fondamentales sur la nature de cet actif et sa compatibilité avec les principes de la finance islamique. Entre l’opportunité de rendements exceptionnels et le risque d’une spéculation excessive, comment naviguer dans ces eaux agitées tout en restant fidèle à ses valeurs ?

Une volatilité qui interroge

La récente performance du bitcoin est un cas d’école en matière de volatilité. Après avoir dépassé les 110 000 dollars, le cours a brutalement chuté pour revenir sous la barre des 99 000 dollars en l’espace de 48 heures au début du mois de novembre [1]. Le 7 novembre, le marché a connu une légère reprise, le bitcoin remontant autour de 103 000 dollars, soit une hausse de 2 % en 24 heures, tandis que certains altcoins comme Dogecoin et Cardano enregistraient des rebonds encore plus spectaculaires de 9 à 12 % [2].

Cette instabilité n’est pas un phénomène nouveau, mais son ampleur actuelle est notable. En l’espace de quelques jours, le marché des cryptomonnaies a vu s’évaporer la quasi-totalité des gains accumulés depuis le début de l’année 2025. La capitalisation boursière globale a ainsi fondu de 47 milliards de dollars en une seule journée [3]. Ces mouvements brusques sont le reflet d’un marché encore jeune, très sensible aux nouvelles et aux changements de sentiment des investisseurs.

Plusieurs facteurs macroéconomiques contribuent à cette nervosité. Aux États-Unis, le moral des consommateurs est au plus bas, atteignant des niveaux comparables à ceux de la crise de la Covid-19 ou de la crise financière mondiale. Parallèlement, la Réserve Fédérale américaine (Fed) a adopté une posture plus stricte (« hawkish »), laissant planer le doute sur une éventuelle baisse des taux d’intérêt en décembre. Dans ce climat d’incertitude économique, les actifs considérés comme risqués, tels que les cryptomonnaies, sont les premiers à souffrir des arbitrages des investisseurs.

Implications pour les investisseurs : un jeu d’équilibriste

Face à une telle volatilité, l’investisseur est confronté à un dilemme. D’un côté, les variations de cours extrêmes peuvent générer des plus-values considérables en très peu de temps. De l’autre, elles représentent un risque de perte tout aussi important. L’article de Forbes souligne que si le bitcoin a retrouvé son niveau de 100 000 dollars, la véritable opportunité réside peut-être moins dans la spéculation sur son prix que dans le potentiel à long terme de la technologie blockchain sous-jacente [1].

Pour l’investisseur particulier, il est crucial de ne pas céder à l’euphorie des hausses ni à la panique des baisses. Une stratégie d’investissement réfléchie et diversifiée reste la meilleure protection contre les soubresauts du marché. Il s’agit de définir clairement ses objectifs, son horizon de temps et son niveau d’aversion au risque avant de s’engager.

Perspective de la finance éthique : incertitude et spéculation

Du point de vue de la finance éthique, la question de la volatilité est centrale car elle touche directement au concept de Gharar, c’est-à-dire l’incertitude, l’ambiguïté ou le risque excessif dans une transaction. Un contrat affecté par un niveau de Gharar jugé excessif est considéré comme invalide en droit musulman. La spéculation pure, ou Maysir, qui s’apparente à un jeu de hasard, est également proscrite.

La volatilité extrême du bitcoin peut-elle être assimilée à du Gharar ? La réponse n’est pas simple. Les savants musulmans contemporains sont partagés sur le statut des cryptomonnaies. Certains y voient un simple instrument de spéculation sans valeur intrinsèque, ce qui le rendrait non conforme aux principes éthiques de l’islam. D’autres, au contraire, considèrent que le bitcoin, par sa nature décentralisée et transparente, possède une utilité réelle en tant que système de paiement alternatif et réserve de valeur potentielle, à l’instar de l’or.

La distinction entre investissement et spéculation est ici fondamentale. L’investissement, en finance islamique, doit être basé sur un actif tangible ou une activité économique réelle qui génère de la valeur. La spéculation, quant à elle, consiste à parier sur les fluctuations de prix sans se soucier de la valeur fondamentale de l’actif. Dans le cas du bitcoin, la question est de savoir si son prix reflète une utilité réelle ou s’il est uniquement mû par la psychologie du marché.

Recommandations pour l’investisseur éthique

Face à ce constat, l’investisseur éthique désireux de s’exposer au marché des cryptomonnaies doit faire preuve d’une grande prudence et d’un discernement éclairé. Voici quelques pistes de réflexion :

Se former et comprendre : avant d’investir, il est impératif de comprendre le fonctionnement du bitcoin et de la technologie blockchain. Il faut également se renseigner sur les différentes opinions des savants musulmans et se forger sa propre conviction.

Adopter une perspective à long terme : plutôt que de chercher à réaliser des gains rapides en profitant de la volatilité (trading), il peut être plus judicieux d’adopter une stratégie d’investissement à long terme, en considérant le bitcoin comme une diversification de portefeuille et une protection contre l’inflation.

N’investir que ce que l’on peut se permettre de perdre : cette règle d’or de l’investissement est particulièrement vraie pour les actifs aussi volatils que le bitcoin. Il ne faut jamais investir de l’argent dont on pourrait avoir besoin à court terme.

Privilégier les projets à forte utilité : au-delà du bitcoin, l’écosystème des cryptomonnaies regorge de projets innovants qui cherchent à résoudre des problèmes réels. S’intéresser à des projets qui ont une véritable valeur ajoutée économique et sociale peut être une approche plus conforme à l’éthique islamique de l’investissement.

Conclusion : un équilibre entre opportunité et responsabilité

Le retour du bitcoin à 100 000 dollars est un rappel puissant du potentiel et des risques du marché des cryptomonnaies. Pour l’investisseur éthique, il s’agit moins de savoir s’il faut investir ou non, que de savoir comment investir de manière responsable et éthique. La volatilité, si elle peut être source d’inquiétude, est aussi le propre d’une technologie en pleine maturation.

En adoptant une approche prudente, fondée sur la connaissance, la diversification et une perspective à long terme, il est possible de tirer parti des opportunités offertes par cette nouvelle classe d’actifs tout en respectant les principes fondamentaux de la finance islamique. L’enjeu est de ne pas se laisser aveugler par l’appât du gain, mais de rechercher un investissement qui a du sens, tant sur le plan financier que sur le plan éthique.

Références

[1] Forbes : "Bitcoin Hits $100,000 Again — But The Real Opportunity May Be In Blockchain"

[2] CoinDesk : "Crypto Markets Manage Modest Move Higher Friday, Trimming Weekly Losses"

[3] Yahoo Finance : "Pourquoi le marché crypto baisse-t-il aujourd’hui ?"

[4] YouHodler : "Market Analysis of Cryptocurrencies - First Weeks of November"